Chapitre I : L’enfance
Quelque part au sud de la plaine des scarafeuilles, un jour assez chaud de l’été… Une jeune sadidette à l’air extenué se repose, appuyée sur sa hache. Une hache ? Oui, vous avez bien lu. Maëlle aime la nature, mais l’entretenir pour qu’elle puisse s’épanouir inclus aussi quelques sacrifices… même si cela est mal vu parmi les sadidas.
Ils veulent tous protéger notre nature, mais dès qu’on fait le sale boulot, on est mal vu…
Avec ses cheveux carmin, au soleil, on aurait dit qu’elle était littéralement en feu, et la chaleur n’arrangeait rien. La besogne était difficile, l’air étouffant rendait chaque geste plus fatiguant, ses habits lui collant à la peau.
« Mamaaaaan c’est quand qu’on rentre ? »
C’est ce cri qui sortit la sadidette de ses pensées. C’est vrai qu’elle avait amené la mioche, ne sachant pas trop quoi faire d’elle. L’école ? Pour quoi faire ? On lui apprendrait à lire et à écrire, ça sera suffisant. Pas besoin d’en savoir plus pour trouver du boulot.
Une petite fille, pas plus haute que trois pommes, sauta, ou plutôt tomba, d’une branche non loin. Ses cheveux, de couleur identique à ceux de sa mère, étaient tellement en bataille qu’on aurait dit un tas de dreadlocks dans lequel des brindilles et feuilles étaient mélangés pêle-mêle.
« Quand j’aurais fini de bosser bon sang ! Et je t’ai déjà dis de ne pas me hurler dans les oreilles en surgissant de je ne sais où. On dirait ton iop de père ! »
« Tu sais quoi, tu sais quoi ?! Papa rentre ce soir ! » Elle semblait ne même pas avoir entendu les paroles de sa mère, gesticulant et s’agitant dans tous les sens.
Maman n’est pas très gentille avec moi, mais Papa ! Papa, c’est le plus fort, et quand il rentre il me ramène de la viande !
« Pour la millième fois, oui, je sais. Maintenant, va voir ailleurs si j’y suis, cancrelat ! Il faut bien que je gagne les kamas que tu me pompes ! »
Tiens, maman est de bonne humeur aujourd’hui. Ca doit être parce qu’on aura de la viande ce soir ! La viande la viande ~ !
Et elle repartit en chantonnant, ramassant des brindilles pour les mettre dans un trou d’écorce qu’elle avait trouvé. Elle occupa ainsi son après midi, comme tant d’autres, parfois se cachant dans les arbres pour lancer des fruits de palme sur la carapace des scarafeuilles (elle aimait particulièrement le « clonk » qui suivait). Elle accompagnait ainsi sa mère tous les jours, depuis qu’elle était toute petite. Même, une fois, sa mère l’avait posé sur une branche de l’arbre dont elle s’occupait, et l’avait oubliée là. Elle avait coupé l’arbre et pof, Ana s’était retrouvée par terre. Enfin, elle ne se rappelait plus trop comment ça c’était passé. Papa n’avait pas été content ce jour là, et c’est à partir de là qu’il s’était mis à travailler loin, au delà d’Amakna, pour gagner plus de kamas. Du coup il rentrait assez peu souvent, et en général s’était pour qu’ils se crient dessus.
Plus tard, quand Anaelle y repensait, ça devait fendre le cœur de son Papa quand il rentrait et qu’il voyait Maëlle la traitant de petit parasite. Un jour, alors qu’elle allait bientôt avoir douze ans, ses parents se disputèrent vraiment très fort. A son sujet, une fois de plus. Maëlle voulait qu’Ana travaille comme bûcheronne, malgré son jeune âge. Son père, lui, souhaitait qu’elle aille à l'école pour pouvoir ainsi choisir correctement sa classe et les enseignements qui en incomberaient le moment venu. La dispute fut terrible, et Maëlle finit par quitter la maison en claquant la porte. C’était la dernière fois qu’Ana voyait sa mère.
« C’est pas grave, ne t’inquiète pas ma petite Nana. Tout va bien se passer, ça sera juste un peu différent. »
« Différent ?.. »
« Oui, je ne peux pas te garder et travailler en même temps, il va falloir qu’on s’organise autrement maintenant. »
Anaelle n’aimait pas vraiment la tournure que prenaient les choses. Sa mère partie, c’était plutôt un soulagement. Mais si même son Papa l’abandonnait…
« J’avais justement un boulot à faire au nord, près de Bonta. Tu viendras avec moi, je t’accompagnerai jusqu’aux portes de la ville. »
Bonta ?! Anaelle n’était jamais sortie d’Amakna. Astrub semblait déjà une ville lointaine, alors Bonta ! Elle sentait déjà les larmes lui piquer les yeux.
« Non, je veux rester ici. Je me débrouillerai toute seule ! Je gagnerai des kamas, et comme ça, je pourrais garder la maison ! »
« Je en veux pas que tu restes toute seule, encore moins ici. Tu iras vivre avec ma mère, à Bonta. »